Lightgraff & lightpainting

 Introduction à la photographie de l'immatériel...

 

 

 

La photographie est par étymologie l'écriture par la lumière. Ainsi, de la lumière est nécessaire pour immortaliser un sujet. Un soleil qui l'éclaire, un flash qui le fige dans le mouvement ou une lueur d'une bougie pour éclairer un local... mais pourquoi ne pas faire bouger la source de lumière le temps de la pose photo ? C'est l'invention du Lightgraff et du lightpainting !

 

 

Un peu d'histoire

Si aujourd'hui, de nombreux amateurs s'adonnent à cette technique, c'est bien grâce au numérique qui permet d'apprécier un cliché juste après déclenchement. Une option infiniment pratique pour apporter des améliorations et refaire dans la foulée une seconde prise de vue jusqu'au résultat escompté. Si le numérique est un gain indéniable, les bricoleurs de la photo et des artistes n'ont pas attendu cette ère et ce bien avant le XIXe. En 1889, Étienne-Jules Marey et Georges Demeny cherchent à décomposer le mouvement des animaux. Pour cela, ils développent différentes techniques dont une utilisant des lampes accrochées aux articulations des sujets. Les clichés révèlent des lignes induites par les mouvements du sujet. En 1914, Frank Gilbreth et sa femme Lillian Moller Gilbreth accrochent eux aussi des lampes aux ouvriers, durant la capture photographique afin d'étudier leurs mouvements et déplacements et... optimiser le rendement. Dans un autre domaine, les explorateurs éclairent les parois en manipulant de lampes ou en utilisant de flashs (technique d'Open Flash) pour éclairer les immenses grottes.

 

Néanmoins, les lightgraffs artistiques apparaissent également. En 1935, Man Ray fait une série intitulée Space Writing où il s'autoportraitise derrière une vitre sur laquelle il fait glisser une lampe-stylo. Les mouvements de la lampe laisse apparaitre des arabesques et sa signature qui dans le courant de l'époque, avec Marcel Duchamps et des surréalistes, l'expression de son être intérieur. D'un autre coté, Gjon Mili, photographe d'origine albanaise reconnu comme pionnier dans l'utilisation du flash, fige en plein vol les danseurs de Lindy Hop. En 1940, il attachent des lampes aux patineuses, violonistes... afin de créer des images graphiques qui feront souvent la une de la revue Life et en 1949, il collabore avec Picasso qui dénomme les photographies obtenues, "sculptures de lumière". Le mouvement est né, en argentique avec la latence entre la prise de vue et l'épreuve photographique. Nous pouvons énumérer de nombreux artistes ; Jack Delano (1946) enregistra le mouvements des chariots des mineurs, Andreas Feininger joue avec les hélicoptères (1949), David Lebe s'autoportraitise en entourant son corps de lumière (1969)... Dan Chamberlain colore des paysages entiers (1977) et tous nos contemporains... Aujourd'hui, la technique du lightpainting est présent dans tous les secteurs y compris dans la publicité. Les créations d'Attoon Conrad sont de beaux exemples.

 

© Frank Gilbreth

 

© Man Ray © Marcel Duchamps selon Man Ray © Gjon Mili

 

 

Lightgraff ou lightpainting

A cette technique utilisant le mouvement d'une source lumineuse durant un temps de pause prolongé, nous rencontrons souvent deux termes ; lightgraff et lighpainting. Etymologiquement, ces deux mots pourraient discerner deux techniques bien différentes. Lightgraff pour définir l'écriture et la réalisation d'un sujet de lumière avec la vision des sources utilisées. Lightpainting pour définir un éclairage, coloré ou non, de la scène sans faire apparaitre les sources mais leurs réflexions. Néanmoins, malgré ces définitions, les deux termes sont usités sans discernement et lightgraff semble même être plus utilisé.

 

Lightgraff (Ecriture où la lumière est le sujet et le motif)

 

lightpainting (éclairage/colorisation de la mise en scène) 

 

 

Les réglages et des sources...

La technique exige plusieurs conditions. Ici, les sources peuvent constituer le motif et/ou l'éclairage. Les prises de vues seront donc réalisées en milieu non/peu éclairé, donc dans le noir durant la nuit ou dans un espace clos. Pour que l'opérateur soit invisible et ne réfléchit pas la lumière qu'il porte, il sera en habit sombre. Le temps d'exposition est bien souvent inconnu au départ car il correspond au temps d'exécution des mouvements allant parfois jusqu'à plusieurs minutes. Ainsi, l'appareil doit être solidement fixé sur trépied et réglé sur pause B (l'obturateur est ouvert toute la durée du temps où la télécommande ou le déclencheur est sous pression) ou pause T (l'obturateur est ouvert après un premier déclenchement et refermé après un second déclenchement). Pour bénéficier de la dynamique du capteur, il est recommandé de rester dans les faibles sensibilités. Ainsi, pour commencer, selon nos sources et généralement, nous pouvons utiliser les réglages suivants : f/8, 800iso, trépied, télécommande.

 

Pour les sources, tout est envisageable. De la lampe multicolore, de l'écran de smartphone qui permet de choisir la teinte, de lampe porte-clé, de projecteur, de barres LED, de petites guirlandes, de fibres optiques ou encore de bougies, de bâtons magiques et d'étincelles. Il est possible de créer une pluie d'étincelles en allumant une paille de fer très fine, maintenue maintenue au bout d'une corde à tournoyer pour projeter des étincelles (cette technique est celle de sparkle). D'ailleurs, la photo de feux d'artifices, ne relève-t-elle pas du lightgraff ?

 

Sources diverses. Paille de fer, bougie, lampes en tous genres

 

Source avec flash avec un motif découpé par laser et coloré par gélatine 

Lightgraff réalisé avec lampe multicolore et bâton magique

 

Lightgraff réalisé avec flash + baladeuse LED + Boite à lumière avec motif

 

Egalement, nous pouvons concevoir de petites boites à lumières dans lequel sera placé un flash et un motif découpé afin de flasher de petits motifs. Ceux-ci peuvent être coloré par ajout de gélatines colorées. A ce jour, la fabrication de ces motifs sont réalisables avec une tablette ou avec une barre LED que l'on déplace. 

 

 

 

Trois manières de procéder avec les sources

Au delà de la diversité des sources, et des motifs à imager, nous avons trois manières de faire. Créer un motif de lumière. Si ce motif est de l'écriture, il sera nécessairement écrit en inversé (comme dans un miroir) afin de le voir dans le bon sens depuis l'appareil photo. Eclairer la scène. Cela peut-être des touches de lumières pour apporter des couleurs ou à des endroits judicieux pour mettre en évidence des zones du cadrage. Et enfin par masquage... en en éclairant (directement ou par réflexion) l'arrière d'un motif pour en présenter sa silhouette.

 

Lightgraff (écriture en mode inversé)

 

Lightpainting (éclairage via des lampes colorées)

Par masquage (Eclairage arrière pour créer la silhouette)

 

 

De la création à l'infini

Seules les frontières de l'imagination 

 

Ecriture lampe LED + flash de motif + flash

 

Flash + lampe coloré 

Paille de fer avec personnage en silhouette

 

Lampe colorée + spot blanc pour simuler une source d'énergie

 

Flash + éclairage à la lampe du visage pour donner l'illusion de spectre

 

Flash + fond à la guirlande LED + flash de motif avec gélatine rouge

 

Coloration à la lampe multicolore

 

Fibre optique + Spot lampe + lampe bleue

Feu d'artifice 

Rond à la baladeuse recouverte d'une gélatine orange

 

Longue pose pour les étoiles + chemin à la lampe verte

 

Reconstruction architecturale avec des drones ©Studio DRIFT

Eclairage et trait par drones © Will Ferguson

 

 

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Texte et photographie : © Vincent Martin (photomavi.com)

Photographie de Man Ray reprise de ManRay-Photo.com / Portrait avec la complicité de Twenty_Cent_Light